Loi Egalité & Citoyenneté : en synthese, qu’en retenir ?

La fameuse loi Egalité et Citoyenneté. Celle dont le projet de loi a provoqué le gel des actions engagées par les bailleurs autour de leur ROL, voire autour de leur CUS. Celle qui est passée il y a à peine 3 semaines devant le Conseil des Ministres et dont intégral est disponible ici.
 Que faut-il en attendre ?
 Quel est le nouveau calendrier fixé ?
 Quels travaux peuvent être anticipés par vos équipes ?

C’est ce à quoi nous vous convions dans ce nouveau numéro de réflexion partagée. Vous trouverez également en pièce jointe, le support didactique des animations / sensibilisations / formations … que nous réalisons sous forme d’intervention flash pour vos confrères.

Loi Egalité & Citoyenneté : en synthèse, qu’en retenir ?


 Pour l’anecdote … 


Mais d’où vient-elle cette loi ? Elle prend sa source dans les attentats des 7 et 8 janvier 2015, attentats dit de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher. On cherche à comprendre les motivations des tueurs, des terroristes. Pourquoi font-ils cela, d’où viennent-ils, que veulent-ils ? Ce sont des jeunes, des français. Pourquoi basculent-ils ?

Et la réponse est trouvée : c’est un problème social : la faute aux banlieues, la faute aux grands ensembles, la faute à l’absence de parcours scolaire, la faute à l’inégalité des chances, la faute à l’absence de mixité sociale … Et c’est pour cela que le 6 mars 2015, se réunit pour la première fois le Comité interministériel à l’Egalité et à la Citoyenneté qui va alors traduire son existence sous la forme d’un projet législatif : la loi Egalité & Citoyenneté.


 Un paradigme gouvernemental qui nous semble erroné … 


Le levier désigné dans le discours actuel du Ministère du logement est l’accessibilité des ménages pauvres aux quartiers favorisés. Il est corrélé (au moins dans le discours) au ralentissement de la paupérisation des quartiers fragilisés, comme un effet mécanique. Or, ce n’est pas en logeant plus de pauvres dans les quartiers les plus favorisés que l’on parviendra à loger des moins pauvres (catégories intermédiaires, classes moyennes) dans les quartiers fragilisés. Les leviers d’attractivité pour ces quartiers ne font l’objet d’aucune proposition nouvelle. Et c’est bien là tout le paradoxe et toute l’impuissance des bailleurs sociaux face à cette loi.


 Les nouveaux grands jalons à avoir en tête 


Sur le calendrier législatif
Le projet de loi a été présenté le 13 avril dernier en Conseil des Ministres.
Il a été enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le jour même selon la procédure dite « accélérée ».
Il sera examiné en première lecture par l’Assemblée nationale fin juin. 

Sur votre calendrier opérationnel de signature de votre Convention d’utilité Sociale (CUS)
Le planning prévisionnel pressenti en cas de vote de la loi est un décalage d’une année complète :
 Remise du projet de convention aux services de l’Etat avant le 01/01/18,
 Signature avant le 01/07/18 pour une prise d’effet …
 … rétroactive ( !) au 01/01/18,
 Les CUS en vigueur sont prorogées jusqu’au 31/12/17,
 La modalité des nouvelles politiques des loyers ne pourra pas entrer en vigueur au sein de votre organisme avant le 01/01/18.


 Les principales dispositions de la loi Egalité & Citoyenneté 


 La ROL est supprimée et remplacée par un nouveau dispositif facultatif : la nouvelle politique des loyers

> La ROL sur le fondement du service rendu est supprimée (y compris la possibilité d’appliquer une augmentation annuelle de loyer jusqu’à 5 % en sus de l’IRL).
> L’article 26 du projet de loi donne la faculté aux bailleurs sociaux de réorganiser les loyers de leurs immeubles et de leurs logements en fonction de critères de mixité sociale.
> Ce n’est qu’une faculté, ce n’est pas une obligation (alors que l’ancienne ROL était obligatoire dans la CUS n°2).
> Le dispositif de la nouvelle politique des loyers donnera aux bailleurs sociaux davantage de liberté pour fixer les loyers des logements sociaux à condition :
⇒ de répondre aux objectifs de mixité sociale (louer 25% du parc hors QPV au quartile de demandeurs de logement les plus modestes, dont les demandes figurent dans le système national d’enregistrement, quartile calculé à l’échelle intercommunale) que leur imposent la loi et les orientations inscrites dans les accords collectifs intercommunaux et départementaux,
⇒ de réorganiser les loyers sans augmenter la masse globale des loyers plafonds déjà existante (selon donc le même mécanisme que l’ancienne ROL), dans la limite du loyer maximal PLS,
⇒ de rester sous des plafonds de ressources et des montants de loyers plafonds moyens fixés par le bailleur dans ses ensembles immobiliers.
⇒ Cette nouvelle politique des loyers peut être réalisée pour la CUS n°2, OU pendant la durée de celle-ci, sous forme d’avenant, avec prise d’effet au 1er janvier de l’année civile suivante.

En clair, le dispositif de la nouvelle politique des loyers deviendrait facultatif, mais les loyers baissant dans le parc attractif sur objectifs de mixité sociale (objectifs définis par les EPCI), les bailleurs vont avoir nécessité financière de moduler leurs loyers : ce dispositif permettrait donc de s’abstraire des considérations techniques liées au financement initial des logements, en permettant aux bailleurs de redistribuer les plafonds de loyers et les plafonds de ressources correspondants (entre ensembles immobiliers et à l’intérieur des immeubles), dans le respect des limites énoncées ci-dessus.


 Quels sont les impacts de ce nouveau dispositif envisagé sur la modulation des loyers ?

> Tout d’abord, il y a une incertitude sur votre parc qui serait soumis à la baisse des loyers : quel volume de logement ? quelle localisation ? Sur le territoire des EPCI dotés d’un PLH, c’est l’ACI qui fixera ces objectifs d’attribution (bailleur par bailleur).
> Ensuite, vous ne pourrez plus connaître exactement vos loyers prévisionnels : pour votre offre à bas loyer, vos loyers dépendront de la catégorie de ménages de vos nouveaux locataires (et du plafond APL associé à cette catégorie de ménages), ainsi que de votre taux de rotation. Votre plan financier à 10 ans et vos projections Visial vont devoir intégrer cette incertitude.
> Il va donc vous falloir, pour préserver vos marges de manœuvre financières :
⇒ identifier votre parc où des hausses de loyers sont envisageables, afin de compenser les baisses,
⇒ calculer chaque année ( !) les baisses consenties pour moduler en conséquence vos loyers à la hausse dans le respect du principe d’une masse constante de chiffre d’affaires.

Autrement dit, même si la ROL est supprimée, nous vous suggérons très fortement de poursuivre vos réflexions sur votre politique des loyers cibles afin :
 D’identifier les groupes où vos loyers vont devoir baisser pour favoriser une offre à bas prix et la mixité sociale,
 D’estimer le manque à gagner par cette diminution de loyer (en fonction de vos taux de rotation, et des ménages cibles attendus),
 D’identifier les groupes où vous pourriez augmenter les loyers au-delà des plafonds actuels,
 De calculer l’augmentation à appliquer sur le reste du patrimoine,
 De vérifier que les grands équilibres financiers de votre organisme ne sont pas impactés.

Autant la ROL pouvait présenter, selon votre contexte patrimonial et territorial, une opportunité offensive d’augmenter votre assiette de quittancement, autant la future loi Egalité et Citoyenneté vous place en situation défensive : vous devez désormais répondre au redoutable défi d’augmenter vos loyers sur du parc moins attractif, sans créer de vacance, uniquement pour compenser la baisse de vos loyers sur du parc attractif.


 Quelles réflexions mener au sein de votre organisme, pour identifier l’impact de la Loi et aller présenter la situation aux EPCI sous un angle qui vous soit favorable ? 


Reprenons point à point le déroulement classique de votre projet CUS / ROL. Voyons comment le projet de loi impacte son déroulement. Voyons quelles tâches poursuivre, amender ou geler :


 1) Identifier le patrimoine objet de la réflexion de cette nouvelle politique des loyers

Cette tâche doit être maintenue : comme dans la ROL, il faut recenser l’ensemble de votre patrimoine de logement et exclure le patrimoine conventionné depuis moins de 6 ans. Cela permet de bâtir votre fichier de simulation et d’aide à la décision quant à votre politique cible des loyers.


2) Qualifier le patrimoine et le segmenter en fonction de la qualité de service rendu

Cette tâche reste utile dans le cas où vous souhaitez mettre en oeuvre le dispositif de nouvelles politiques des loyers : bien que le classement selon le service rendu soit supprimé dans la CUS2 avec la loi E&C (et remplacé par un état de l’occupation sociale des immeubles), ce classement reste utile (même s’il n’est pas obligatoire) si vous optez pour la nouvelle politique des loyers : il vous permettra d’accompagner le ciblage des immeubles pour lesquels il convient de baisser ou d’augmenter les loyers, et ainsi définir leur potentiel d’évolution.


 3) Mener la concertation avec les locataires

Cette tâche est renforcée : Dans les textes précédents, seul le classement selon le service rendu devait faire l’objet d’une concertation auprès des associations de locataires, des représentants de locataires ayant obtenu plus de 10% des suffrages et des administrateurs élus représentant les locataires.
Avec la loi Egalité & Citoyenneté, c’est l’ensemble du cahier des charges de gestion sociale de la CUS qui doit être élaboré après concertation avec les locataires, incluant la nouvelle politique des loyers le cas échéant.


 4) Calculer les plafonds maximaux réglementaires (plafonds PLS) et calculer la masse constante des loyers

Cette tâche se transforme mais doit être maintenue : la ROL prévoyait des plafonds maximum qui dépendaient : du financement simplifié (PLAI, PLUS, PLS, PLI), du secteur géographique (Zone I, II, III, …) et du type de surface (SU, SC).
La loi Egalité et Citoyenneté va permettre de s’abstraire des considérations techniques liées au financement initial des logements, qui pourra fixer groupe par groupe, les nouveaux plafonds compensatoires, à calculer groupe par groupe, dans la limite du montant du loyer maximal des logements financés en PLS. Les dispositions de calcul de la masse constante du produit locatif maximal de l’organisme sont inchangées.


 5) Définir la politique des loyers cibles. Analyser l’impact sur votre quittancement prévisionnel. Mesurer l’impact sur le reste à vivre des locataires en cas d’augmentation

Cette tâche se complexifie mais doit être maintenue : la ROL prévoyait uniquement de faire bouger à la hausse ou à la baisse les loyers plafonds, dans une logique de masse constante. A minima, une ROL pouvait très bien n’avoir aucun impact sur les loyers pratiqués. La loi Egalité et Citoyenneté impacte directement les loyers pratiqués, qui vont baisser sur le parc considéré comme devant faire partie de l’offre à très bas loyer.

Vous devez donc identifier votre patrimoine dont les loyers peuvent augmenter (en compensation des baisses inhérentes aux logements à très bas loyer). Il s’agit :
> d’identifier les loyers qu’il est possible d’augmenter (dans le respect des prix du marché, afin de ne pas créer de vacance commerciale).
> d’effectuer des projections d’évolution de loyer (dans une logique similaire à celle de la ROL), à la hausse et à la baisse. Cela vous permettra de rééquilibrer vos loyers pour amortir l’impact des futures dispositions réglementaires et pour préserver vos grands équilibres de quittancement.


 6) Définir les modalités de passage des loyers pratiqués aux loyers cibles

Cette tâche est simplifiée mais doit être maintenue : la ROL ne fixait pas les modalités pour passer aux loyers cibles (dans les simulations, nous pouvions l’appliquer aux locataires en place, ou uniquement aux nouveaux locataires. Nous pouvions aussi moduler dans le temps la rapidité d’atteinte des plafonds). Le texte du futur projet de loi simplifie cela en appliquant l’offre à bas loyer uniquement à la relocation. De quoi déminer une communication bailleur – locataires ou bailleur – collectivités qui s’annonçait passablement compliquée !


 7) Etudier la possibilité de descendre à l’échelle du logement

Nouvelle tâche : La modulation de loyer à l’échelle du logement était facultative pour la ROL. Elle devient désormais obligatoire si le projet de loi est voté ainsi : car vos loyers appliqués, dans votre futur parc à très bas loyer, seront égaux au montant du plafond de l’APL versé et seront donc différents logement par logement, en fonction de la catégorie et des ressources du ménage qui l’occupera.

Les nouveaux plafonds étant déterminés pour un immeuble, il sera toutefois possible, lors de l’attribution, de modifier le plafond de ressource et le plafond de loyer d’un logement, sous contrainte de respecter :
> les objectifs d’attributions aux ménages avec les ressources les plus faibles hors QPV, et par conséquent la baisse de loyers,
> la fixation d’un loyer compensatoire dans la limite du PLS.
Le bailleur peut ainsi opérer des péréquations à l’intérieur de son parc.


 8) Rédiger la CUS, notamment le cahier des charges de gestion sociale

Cette tâche s’enrichit mais doit être maintenue : la CUS doit être rédigée. Ne freinez donc pas l’ardeur de vos équipes sur le sujet. Elle n’est en rien remise en cause par le projet de loi. Il convient cependant de noter qu’un régime de contrainte complémentaire s’ajoute à votre CUS : la connaissance de l’occupation sociale est renforcée, avec la nécessité de réaliser une cartographie de votre patrimoine rapprochant occupation sociale / loyer / type de financement.


 En synthèse, que devez-vous faire ? 


Si la loi était votée en l’état, il restera nécessaire de :
poursuivre le classement du parc en fonction du service rendu, si vous souhaitez mettre en place la nouvelle politique de loyer
 rédiger la CUS
> avec un volet supplémentaire de l’état de l’occupation sociale des immeubles, sur la base de vos données OPS
définir les loyers cibles (à la baisse sur votre parc attractif soumis au quota des 25%, à la hausse sur votre parc … attractif aussi dans la limite des plafonds PLS). Cela passe par :
> identifier quels groupes vont être assujettis aux très bas loyers,
> mesurer la perte financière estimée,
> identifier quels groupes peuvent être commercialement augmentés et de combien,
> arriver malgré tout à un équilibre financier neutre pour le quittancement de votre organisme.
définir les modalités de passage des loyers actuels aux loyers cibles.

Il conviendrait en complément de :
renforcer les modalités de concertation avec les locataires,
 mener la réflexion à l’échelle du logement,
 définir les règles et modalités de suivi des modulations de loyer pour le maintien de votre chiffre d’affaires,
 intégrer dans la CUS une cartographie de votre patrimoine rapprochant occupation sociale / loyer / type de financement,
 être proactif auprès des EPCI et des services de l’Etat local pour leur présenter les enjeux de mixité sociale et ‘négocier’ avec eux le volume et la localisation de votre parc qui sera soumis à très bas loyer.